«Il remarqua beaucoup de plastiques parmi les déchets, autant d'ordures qui ne pourriraient jamais, qui seraient au même endroit, sous terre, des dizaines de milliers d'années après. De ce sol sans aucune vie allaient surgir des structures de béton armé. Il ignorait si c'était à cause d'une différence d'altitude avec d'autres régions qu'il fallait autant de camions d'ordures pour aplanir le terrain. Il avait l'impression en tout cas d'être le spectateur des coulisses de la misère, comme s'il voyait les planches et le coton élimé qui servaient à construire un somptueux décor de théâtre.»
Joonsik pense que toute vie l'a abandonné, quand il reçoit la visite de son jeune frère Minwoo, expulsé de l'université pour ses activités politiques. Minwoo va bouleverser la vie de son ménage et en révéler les failles. À travers cet événement familial, c'est toute l'évolution de la Corée qui est évoquée symboliquement, comme dans la seconde nouvelle, dont l'héroïne, Shinhye, est, au cours d'un interrogatoire d'une rare violence, injustement accusée d'avoir une liaison avec un militant politique.
Ces deux brefs récits, poétiques et politiques, permettent de découvrir l'oeuvre littéraire d'un grand cinéaste coréen.
Lee Chang-dong est né le 1er avril 1954 à Taegu. C'est une des personnalités les plus fortes du monde culturel coréen. Cinéaste engagé, il a été remarqué notamment pour Peppermint Candy (1999) et Oasis (2002, prix du meilleur réalisateur à la Mostra de Venise). Il a été ministre de la Culture en 2002. Son oeuvre littéraire est publiée depuis 1983 dans son pays.